23 decembre 2025
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Remarque : Aujourd’hui, le 23 décembre, marque la dernière édition hebdomadaire francophone de l’année. Le bulletin d’information reprendra le 6 janvier 2026.
Dans nos éditions précédentes, nous avons examiné comment les écosystèmes technologiques africains francophones repensent progressivement la croissance, en accordant davantage d’attention à la dette, aux marchés de capitaux locaux et au financement au-delà des capitaux propres de démarrage. La semaine dernière, nous avons approfondi la conversation en nous concentrant sur le Sénégal et les institutions qui sont à l’origine de ce changement sur le terrain. L’une des figures clés de cette initiative est Elena Dia, qui dirige l’animation de l’écosystème au sein de la Délégation générale pour l’entrepreneuriat rapide des femmes et des jeunes (DER).
Grâce à son travail, la DER s’éloigne du soutien générique à l’entrepreneuriat pour se tourner vers des programmes plus spécifiques à chaque secteur et adaptés aux besoins réels des fondateurs. Dans cette interview, Mme Dia partage les leçons tirées de ces dernières années et décrit à quoi pourrait ressembler une approche plus structurée de la création de start-ups en Afrique francophone.
Cette interview a été légèrement modifiée pour plus de clarté.
‘We don’t want generic programmes anymore; we want to deliberately build champions’ — Elena Dia
Elena Dia, responsable de l’unité Animation de l’écosystème, DER Sénégal/Source de l’image : LinkedIn
Lina Kacyem: Qu’est-ce qui a motivé votre transition du secteur bancaire au travail dans l’écosystème entrepreneurial ?
Elena Dia: Quand j’étais en banque, j’ai fait beaucoup de rotations — trésor, FX sales & trading, ALM, capital market, et surtout de l’investissement bancaire. J’ai eu un véritable « crush » sur la finance de projet. J’ai compris que je voulais un métier où la finance rencontre le développement et l’approche projet. C’est comme ça que ma transition vers l’écosystème entrepreneurial a commencé.
LK: Quels défis avez-vous constatés quand vous avez rejoint la DER ?
ED: Je suis arrivé à la DER dans ce rôle ou je dirige la cellule animation de l’écosystème, qui est en fait en charge de tous les projets programmes en lien avec l’innovation et la tech. Le plus difficile était de trouver assez de bons profils pour les programmes que nous mettions en place. On voit souvent les mêmes startups dans plusieurs programmes, car beaucoup d’accompagnements ciblent le même niveau de maturité et il n’y avait pas assez de profiles adéquats pour les programmes. Il manque des “vrais” programmes d’accélération longs et intensifs, comme Station F en France qui est un programme de deux ans, tu vois, avec du suivi personnalisé, et caetera.
LK: Quelles initiatives ont eu le plus grand impact ?
ED: Par rapport à ça, il y a deux programmes principaux que je pourrais citer. Le premier, c’est Line Stack Invest. C’est un programme qu’on avait mis en place avec l’Ambassade de France, avec 1 million d’euros (1,2 million de dollars) de l’Ambassade pour des activités d’animation de l’écosystème, donc des programmes d’accélération, celui dont je te parlais tout à l’heure, de l’incubation, il y a un roadshow international, il y a de la mise en relation avec des investisseurs étrangers à travers la plateforme Euroquity de BPI France, et 1 million d’euros (1,2 million de dollars) pour du financement direct de startup. Je trouve que c’est un très bon modèle de programme dans le sens où on était vraiment dans un partenariat déjà avec l’Ambassade, et donc on a eu beaucoup d’échanges de bonnes pratiques, et on était vraiment en mode projet, et on avait des KPI très spécifiques. Et je pense qu’honnêtement, ce programme-là est l’une des raisons pour lesquelles le Sénégal est devenu un écosystème très dynamique par rapport même à d’autres pays francophone qui ont des économies plus grandes ou plus dynamiques.
Et le deuxième, pour les PMEs et les startups, avec un focus sur l’inclusion financière, on a un très beau programme avec la Fondation Mastercard qui s’appelle BE YES. C’est un programme où on met en place des espaces de créativité partout dans le Sénégal, des plateaux d’innovation, où en fait l’objectif c’est que les jeunes aspirants entrepreneurs puissent venir se former à de la technologie innovante dans les Fab Labs. Donc on a par exemple de la broderie numérique, on a de l’imprimante 3D, on a aussi des formations un peu plus génériques, genre marketing digital, création de logos, site web, etc. C’est aussi un très beau programme d’inclusion qui couvre un petit peu des territoires dans l’InnoTech en dehors de Dakar, parce qu’effectivement, on a du mal à sourcer des profils InnoTech à Dakar, donc je te laisse imaginer la situation dans le reste du Sénégal. Donc voilà, ces deux programmes-là, je pense, ont eu beaucoup d’impact et c’est un petit peu des modèles de ce pourquoi la DER existe et ce pourquoi la DER est une institution, vraiment un très bel instrument.
(InnoTech = Innovation et Technologie)
LK: Comment conçoit-on de nouveaux programmes ?
ED: Pour structurer des programmes, on a beaucoup de chance à la DER vu qu’on a maintenant huit ans d’existence, donc beaucoup de learnings sur l’écosystème et aussi beaucoup de learnings sur tous les secteurs. Donc, ça nous aide beaucoup. Il y a des programmes qu’on a débuté et fini. Il y a beaucoup d’existants sur lesquels se baser pour structurer de nouvelles choses. Quand on structure des choses en lien avec l’écosystème tech par exemple, quelque chose que je suis en train d’essayer de mettre en place pour l’année prochaine typiquement, c’est de mettre en place des programmes d’accompagnement, donc technical assistance, mais plus sectoriels. Pourquoi ? Parce que comme je te disais tout à l’heure, les programmes qu’on a délivrés pour le moment étaient plutôt génériques en vrai. C’est l’entrepreneur s’adapte à la formation plutôt que le contraire. Là, ce que je souhaiterais faire, c’est délivrer des programmes qui vont être beaucoup plus tailor-made, un peu beaucoup plus comme du comme du advisory, et deuxièmement, c’est de mettre des programmes qui vont être beaucoup plus sectoriels. Donc là, typiquement, je suis en train d’essayer de structurer un programme sur l’industrie musicale parce que j’aimerais bien que d’ici deux/trois ans, je puisse regarder mon portefeuille et me dire grâce à ces programmes, j’ai maintenant six champions dans l’industrie musicale, j’ai six champions sur le digital and green innovation, j’ai sept champions sur autre chose. Le but est de construire des champions par chaîne de valeur. C’est ce que je souhaiterais faire plutôt que de faire un programme multisectoriel et voir en fait ce qui va se passer. Voilà, c’est un peu l’approche structurante qu’on souhaiterait mettre en place l’année prochaine par rapport à par rapport aux learnings qu’on a eu jusqu’à présent.
LK: Comment fonctionne le modèle de financement de DER sans licence bancaire ?
ED: J’adore cette question sur notre modèle opérationnel et notre mécanisme de financement. En fait, c’est assez simple. Nous avons deux produits principaux : le Guichet Autonomisation et le Guichet Soutien au TPME.
Le Guichet Autonomisation est celui où nous nous concentrons vraiment sur l’inclusion financière. Nous proposons des tickets allant de 50 000 FCFA à 2 millions de FCFA (90 à 3 570 dollars). Ce qui est formidable avec ce produit, c’est que pour les montants inférieurs à 2 millions de FCFA (3 570 dollars), nous n’avons pas besoin de passer par la banque centrale. Par conséquent, nous n’avons pas besoin d’utiliser des comptes bancaires standard dans les banques commerciales. Cela nous donne beaucoup de flexibilité.
L’ensemble du processus est numérisé. Par exemple, nous avons développé un outil interne chez DER. Cela nous a pris beaucoup de temps, mais nous en sommes très fiers. Cet outil nous permet, sur la base du profil de l’entrepreneur, d’effectuer une notation en ligne. Nous saisissons toutes leurs coordonnées, ainsi qu’un questionnaire auquel ils répondent, et l’outil de notation en ligne détermine si, sur la base de leur demande (par exemple, s’ils demandent 1 million de FCFA (1 785 dollars)), ils sont éligibles à 100 %, 80 % ou 50 % de ce montant. C’est donc déjà très bien et très utile. Et comme je l’ai mentionné, comme il s’agit d’un outil interne, lorsque nous constatons des limites ou des éléments à corriger, nous pouvons le mettre à jour naturellement sans passer par un fournisseur externe.
Un autre avantage est que ce produit utilise l’argent mobile. Nous utilisons des portefeuilles électroniques du début à la fin. L’entrepreneur reçoit les fonds via Orange Money ou Wave et peut également effectuer ses remboursements via ces mêmes plateformes. La DER est une institution de service public, et ce niveau de numérisation nous permet d’atteindre les entrepreneurs dans les 552 communes du Sénégal. Sinon, nous devrions demander aux entrepreneurs de se déplacer pour recevoir leur financement, puis de se déplacer à nouveau chaque fois qu’ils doivent effectuer un remboursement, potentiellement tous les mois. Cela représente une énorme perte de temps.
Nous sommes également censés répondre aux contraintes spécifiques des femmes entrepreneurs. Et en effet, les femmes sont confrontées à des contraintes différentes, en particulier dans les zones rurales. Peuvent-elles laisser leurs enfants pour faire tous ces trajets ? Bien sûr que non. C’est donc quelque chose que je trouve très innovant et qui exprime vraiment la beauté de notre modèle. C’est la partie Autonomisation.
Le deuxième produit est le Guichet Soutien au TPME. C’est là que nous travaillons sur des projets plus structurés, à partir de 2 millions de FCFA (3 570 dollars). Comme nous traitons des montants plus élevés, nous utilisons généralement les systèmes bancaires traditionnels, ce qui signifie que l’entrepreneur doit ouvrir un compte bancaire auprès de l’une de nos institutions financières partenaires et présenter un plan d’affaires complet.
L’inconvénient est que nous ne contrôlons pas l’ensemble de la chaîne de A à Z, comme nous le faisons avec le Guichet Autonomisation. Ainsi, en cas de retard au niveau de nos partenaires financiers, DER dépend entièrement de leurs délais de traitement et de décaissement, car nous ne disposons pas d’une licence bancaire. Nous nous occupons du traitement des demandes, mais le décaissement est effectué par nos institutions financières partenaires. Cela signifie que l’entrepreneur n’ouvre pas de compte chez DER, il ouvre un compte à la Banque Nationale pour le Développement Économique (BNDE), par exemple, qui est l’une de nos institutions financières partenaires, avec Pamecas, le Crédit Mutuel du Sénégal (CMS), l’Association Sénégalaise pour le Soutien et l’Encadrement des Petites Entreprises (ASSEP) et La Banque Agricole (LBA), avec lesquelles nous travaillons également beaucoup.
Dans ces cas, comme nous ne contrôlons pas l’ensemble de la chaîne, nous dépendons nécessairement de nos partenaires. Cependant, nous avons mis en place des processus pour faciliter le travail. Nous développons actuellement un système d’interconnexion avec toutes les institutions financières partenaires avec lesquelles nous travaillons. Cela signifie que nous serons en mesure de connecter nos systèmes d’information afin de traiter les demandes plus facilement. Ce projet est encore en cours, mais des mesures importantes sont prises et je pense que les perspectives sont très bonnes pour rationaliser véritablement le guichet TPME.
LK: Quelles synergies existent avec des institutions comme FONSIS ?
ED: J’aime beaucoup cette question car, oui, il existe de nombreuses possibilités de collaboration entre les différentes structures étatiques. Il n’y a pas que le Fonds souverain d’investissements stratégiques (FONSIS) : il y a aussi l’Agence de développement et d’encadrement des petites et moyennes entreprises (ADEPME), par exemple, qui fournit une assistance technique ; il y a le FGIP (Fonds de garantie pour les investissements prioritaires), qui fournit des garanties ; il y a le Bureau de mise à niveau ; il y a vraiment beaucoup d’institutions. Nous travaillons déjà beaucoup avec toutes ces institutions, mais il y a bien sûr encore beaucoup à faire.
Avec le FONSIS en particulier, nous mettons en place un nouveau processus. Je vais vous donner un exemple pour vous expliquer. Pour nos startups, je mets en place un ticket d’environ 50 000 à 60 000 euros (58 695 à 70 400 dollars), et l’objectif est que ce financement par emprunt ait un effet de levier afin que la startup puisse ensuite lever des fonds si elle le souhaite, sous forme de dette ou de capitaux propres, en fonction des partenaires de l’écosystème, qu’il s’agisse de sociétés de capital-risque ou d’autres types d’investisseurs. FONSIS fournit des financements par emprunt et par capitaux propres, ce qui en fait une étape naturelle pour les start-ups que nous soutenons. Notre objectif est de nous aligner sur les indicateurs clés de performance (KPI) de FONSIS afin de pouvoir alimenter leur pipeline avec des start-ups pertinentes.
Nous acquérons également une connaissance approfondie de tous les différents fonds gérés par FONSIS. L’organisation gère plusieurs véhicules distincts, notamment FONSIS lui-même, WeFunds et des instruments financiers islamiques. En comprenant l’orientation de chaque fonds, nous pouvons nous assurer de leur envoyer les profils les plus adaptés.
LK: Quelles opportunités et quels risques voyez-vous pour l’écosystème du Sénégal ?
ED: Alors en termes d’opportunités, disons que le travail d’Ecosystem Building que la DER a mis en place, il est un petit peu « vieux » ou obsolète maintenant, vu que d’autres challenges se presentes. Le Sénégal, notamment à travers l’action de la DER, a été précurseur, donc nos startups ont maintenant 5–7 ans de maturité. On a des belles success stories, aussi bien les startups que les SMEs. On commence à avoir des exits également. C’est preuve de tous ces indicateurs qui vont définir le dynamisme ou non d’un écosystème entrepreneurial. Moi, mon objectif en tout cas personnellement, c’est que Wave, qui est le premiere licorne sénégalaise, ne soit qu’un exemple parmi d’autres et que les startups que nous avons accompgnes figurent parmi ces exemples la d’ici 5 ans. Ce serait un énorme gain pour l’ecosystem de voir Logidoo ou PAPS être a ce stade la ou du moins pas loin. Nous avons cette opportunité-là parce que nous avons été un peu précurseurs.
Du côté du risque, on est forcément affecté par l’environnement macro qui se passe. Le risque majeur, c’est la diminution des financements des bailleurs (USAID, coopérations bilatérales). Il faut donc diversifier les sources de financement. En termes de funding beaucoup de programmes d’assistance technique, d’incubation, d’accélération dans notre écosystème sont financés souvent par des donneurs bilatéraux, la coopération bilatérale. C’est un sujet un peu délicat en ce moment. Par exemple l’USAID a été dissoute alors qu’ils avaient un très beau programme d’investissement sur l’entrepreneuriat au Sénégal. Les coopérations bilatérales sont en train d’avoir beaucoup de cuts, beaucoup moins de budget. C’est un risque qui n’est pas unique au Sénégal, mais présent dans tous les écosystèmes du continent. C’est aussi une opportunité de se réapproprier peut-être un petit peu nos écosystèmes, de chercher des sources de financement autres, de diversifier surtout. Parce que si l’écosystème s’effondre, ça veut dire que le risque de diversification n’a pas été pris en charge de manière assez efficiente.
LK: Quels conseils donneriez-vous aux institutions et personnes qui construisent un écosystème ?
ED: La recommandation que je pourrais donner, c’est d’avoir le mindset projet. Un écosystème, c’est tellement complexe comme son nom l’indique. Il y a plusieurs acteurs, des agendas différents, et bien plus encore. Ce que nous avons vu qui a été vraiment utile, c’etait de prendre l’écosystème de manière globale et de faire de l’écosystème un projet avec un lead, mais de manière très inclusive. Par exemple, La DER était en lead avec des partenaires comme l’ambassade de France. On était très inclusif aussi dans l’approche, on avait un comité de pilotage qui était mixte : la DER, l’ambassade de France, Senstartup qui est l’association des start-ups, des universités, des incubateurs, des SAE, etc. C’était vraiment très inclusif. Le mindset projet doit venir avec un budget déterminé, avec des lignes de budget spécifiques et des activités déclinées. Ça peut changer forcément comme tous les projets en fonction de ce qu’on trouve sur place. Il est impératif aussi d’avoir un cadre de mesure, pour mesurer l’impact, car ça permet aussi de montrer des avancées de façon concrète. On peut partager des donnees telles que : le nombre de start-up financées, nombre de ces start-ups ont ensuite réussi à lever des fonds sur la base de notre ticket de financement, quantité et qualité des mises en relation, etc.
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